Armées - articles archivés

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Il y a deux mois, je suis tombé sur un témoignage personnel d’un OMLT Français en Afghanistan au sujet de son expérience au contact des troupes Américaines. Point de grande littérature, mais un texte simple et émouvant par sa spontanéité. J’ai pensé que porter à la connaissance du monde anglophone ce petit témoignage d’amitié Franco-Américaine serait utile et participerait modestement à sa manière au renfort de liens quelques peu distendus par les divergences diplomatiques de ces dernières années que le monde médiatique n’a pas manqué de transformer en tensions populaires. J’ai donc immédiatement produite une traduction en anglais de l’article français. Je me doutais aussi que cette traduction trouverait son public aux Etats Unis et ailleurs, mais je ne m’attendait pas à ce qu’elle provoque un tel écho. Cinquante mille lectures en deux semaines (et ça continue) ainsi qu’une foule de commentaires sur l’article et sur d’autres sites, sans compter des messages de remerciement. C’est dix à cinquante fois le trafic qu’attire en un an une page convenablement fréquentée de mon blog anglophone. J’ai du toucher un point sensible. Les Américains auraient-ils besoin qu’on les aime ?

J’avais effectuée une traduction plutôt rapide et j’en viens presque à regretter de ne pas m’y être plus appliqué ! Sans tomber dans les psyops délibérées, il est bon de rappeler au monde qu’au dela des intérêts ponctuellement conflictuels, les liens qui nous unissent sont bien plus forts et que l’amitié Franco-Américaine n’est pas un vain mot. Je suis heureux d’y avoir contribué.

Suite à la parution du rapport d’une commission Rwandaise apportant un nouveau lot d’accusations à l’encontre de la France et de son rôle honteux pendant le génocide de 1994, le Figaro a publié deux articles illustrés par la photo suivante :

Le génocide, c'est que du bonheur !

Évidemment, je n’ai pas pu m’empêcher de commenter. Choisir comme illustration d’un article sur l’intervention de la France dans le génocide Rwandais l’image d’un soldat Français dans une pose bienveillante auprès de deux enfants Rwandais ravis avec en arrière plan deux femmes souriantes est d’une malhonnêteté éditoriale crasse. La vérité historique du rôle de la France est encore sujette à controverse, mais une chose est certaine : l’immonde massacre organisé pendant lequel une large tranche de la population Rwandaise menée par des extrémistes a exterminé 10% des habitants du pays en cent jours sous les yeux de la communauté internationale n’a rien à voir avec cette photo dans la droite ligne de la propagande qui a entourée l’opération Turquoise. J’ai ajouté à mon commentaire qu’il est heureux que le ridicule ne tue pas car le génocide serait loin d’être terminé.

Apparemment mon commentaire n’a pas plu aux censeurs du Figaro qui ont tôt fait de le faire disparaître. On peut applaudir la fidélité de ce journal à la ligne du gouvernement. C’est exactement le genre de comportement qui explique pourquoi après quatorze ans la France n’a toujours pas fait face à ses responsabilité et assumé son rôle dans la crise Rwandaise. Un débat démocratique est nécessaire, les archives doivent être ouvertes et la vérité doit émerger. Peut-être que la France n’a pas été plus mauvaise qu’ailleurs ou peut-être qu’elle s’est abandonnée à des errements coupables. Quoi qu’il en soit il ne s’agit pas de faire de l’auto-flagellation gratuite, mais simplement d’admettre nos erreurs et de les expliquer pour qu’elles ne soient pas reproduites.

Le fait que certains responsables politiques de l’époque soient toujours en activité ne facilite pas la transparence. Mais contrairement à ce que pensent les pseudo-défenseurs de l’honneur de la France, continuer à tourner le dos au débat n’est pas un service que nous rendons à notre pays !

Et si ces accusations sont si fausses, les personnes visées feraient bien de porter plainte pour diffamation – ce serait l’occasion du déballage tant attendu. Ou peut-être qu’elles ont des choses à cacher.

En apprenant son annulation cette année, j’ai aussi appris que le rallye Paris – Dakar existe encore. Malgré ma tristesse profonde face à la disparition de dernière minute d’un aussi beau support publicitaire, je me dois de réagir en contribuant des propositions concrètes pour redresser la situation.

Le coeur de la difficulté est la problématique sécuritaire. A défaut d’avoir la compétence ou même la volonté de la résoudre sur le pas de sa porte, notre gouvernement bien-aimé a au moins les moyens armés pour y faire face. Qui plus est, ses membres éminents ont maintes fois démontrés leur penchant pour les opérations de communication sur ce thème. Alors qu’attendent-ils donc pour développer les formidables opportunités que l’on devine l’eau à la bouche ?

Les forces armées Françaises escorteront la caravane du Dakar pour en assurer la protection. Les membres du gouvernement en tireraient le bénéfice immédiat d’une place de choix dans le paysage audiovisuel pour montrer à quel point ils ont à coeur la sécurité des citoyens.

En retour, chaque concurrent du rallye embarquera à bord de son véhicule un immigré en situation irrégulière. L’épreuve sera ainsi repackagée en tant que course au ramenage d’étrangers dans leur pays d’origine. Quelle magnifique synergie symbolique entre le bel esprit sportif du Dakar et la diligence de notre sympathique gouvernement à protéger la prospérité de la nation !

La sécurité pour nos sportifs, de la gloire pour nos soldats, de la crédibilité pour notre chef bien aimé, une caravane publicitaire avec démonstration itinérante pour l’industrie de l’armement et une louable contribution aux efforts du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement pour atteindre ses objectifs… Qu’attend-t-on ? Notre gouvernement manquerait-il d’imagination et d’audace ?

J’en profite pour noter que comme son nom ne le laisse pas supposer au néophyte naïf que je suis, les objectifs du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement se mesurent en nombre d’expulsions (pardon, on dit maintenant “éloignements” parce c’est moins violent) d’étrangers en situation irrégulière – toute ressemblance avec les exercices d’inversion sémantique popularisés par un oeuvre littéraire célèbre avec un titre en quatre chiffres ne serait que fortuite.

Lorsque l’Etat abandonne le monopole de la violence physique légitime, il laisse un vide qui ne reste jamais longtemps inoccupé. Verrons nous l’émergence de milices d’autodéfense en France ? Aujourd’hui à Rio de Janeiro, demain à Paris ?

Quelles que soient les raisons du désengagement de l’Etat, rien ne destine les organisations dédiées aux trafics illicites et les organisations religieuses activistes à être les seules à reprendre le terrain. Elles sont capables d’occuper tout l’espace si elles assurent aux locaux des conditions sécuritaires satisfaisantes – les mafias ont toujours su jouer ce rôle parasitaire symbiotique. Mais si elles oublient de répondre efficacement à ce besoin essentiel, le champ est libre pour de nouveaux acteurs.

Yves-Alexandre Chouala décrit en détails comment le processus d’effondrement du monopole etatique de la violence légitime a eu lieu au Cameroun avec des conséquences désastreuses. Il montre notamment comment la formation de comités d’autodéfense concrétise la ré-affirmation du lien social face au chaos. A moindre échelle, Sidiki Abdoul Daff rapporte l’essor et les limites d’un groupe d’autodéfense dans la banlieue de Dakar – les dérives sont quasiment inévitables. Le Portugal a connu par endroits cette descente aux enfers mais l’Etat a su apporter des solutions capables de rétablir l’ordre républicain. En France, la rumeur de prémices de ce phénomène cours déjà.

Dans mon quartier paisible et prospère, de tels plans d’organisation locale resteront probablement toujours métaphoriquement enfouis dans un classeur poussiéreux au fonds d’un placard. En d’autres lieux il me paraîtrait logique d’organiser, pour rétablir la paix, l’usage par les citoyens des moyens illégaux violents rendus légitimes par l’abandon de l’Etat.

Loin de moi l’idée de souhaiter en arriver là. Les dérives de l’autodéfense populaire sont toujours sales – tout pouvoir incontrôlé corromps immanquablement, et dans des dimensions d’autant plus néfastes que ce pouvoir prend ses racines dans la violence. Alors osons espérer que l’Etat Français démontrera sa capacité à exercer ses responsabilités partout sur son territoire, et en particulier là où la rumeur médiatique l’en présente comme incapable.

Au détour d’un article d’Armées.com on lit :

“Derrière les prestations sécuritaires vantées par les privés se cache une vision au microscope de la sécurité [..]. Autrement dit, une grande part des sociétés de sécurité ont une approche contraire aux intérêts à moyen et à long terme de leurs clients, et leur incapacité à se fondre dans leur environnement de travail en fait un symbole contre-productif”.

Les hasards d’une récente conversation avec Saturnin nous ont amenés à aborder la question des sociétés militaires privées. Le parallèle entre les prestations de ces intervenants et celles de ceux dont les services sont achetés dans d’autres industries a immédiatement été remarqué par Saturnin. Effectivement, remplacez “sécurité” et “sécuritaire” par “conseil” et vous obtiendrez une représentation troublante de la manière dont de nombreux acteurs considèrent certains consultants. Bien entendu ils ne sont pas tous comme ça et nos prestations échappent évidemment à ces tares caricaturales…