Wed 21 Mar 2007
François Bayrou accepte la complexité du monde
Posté par Jean-Marc Liotier dans PolitiquePas de commentaires
La gestion de la complexité a été largement vulgarisée au début des années 90, notamment par Dominique Genelot dans son ouvrage “Manager dans la complexité”. L’incertitude, les situations de rupture et les interdépendances sont devenus notre pain quotidien sans que personne ne s’émeuve outre mesure de l’irruption dans tous les domaines d’un chaos permanent à peine apprivoisé par les conceptions systémiques.
C’est un commentaire de JbBiard qui m’a mis la puce à l’oreille à propos de la relation de François Bayrou avec la complexité :
“Il parle pendant plus de deux heures au Politic’ show, en râlant, mais en causant intelligemment, sans script, comme dans ses discours. On le voit faire de même dans des colloques (je pense à celui sur l’Europe qui figure sur sa web TV). Et il est globalement constant, un peu flou, sur certains points, mais il accepte le doute, il se confronte à la complexité. Ce faisant, il fait face monde, sans pré-mâchage sondagier excessif, il pense : ça change.”
C’est exactement ce que je ressentais : François Bayrou admet ses propres limites pour mieux s’atteler à la réflexion et au débat qui apporteront les réponses. Gérer la complexité est avant tout une école de l’humilité.
Mais la complexité est encombrante. Elle a particulièrement du mal à passer à travers la petite lucarne du poste de télévision. Marc Ullman fait remarquer qu’en embrassant la complexité, François Bayrou n’a pas fait un choix facile :
“Bayrou, lui, ne répugne pas à la complexité. Homme de consensus, il croit à la réforme et souhaite redonner à ce mot galvaudé ses lettres de noblesse. Centriste, il joue sur l’envie d’un nombre croissant de Français, d’échapper aux idéologies surannées et dominatrices de droite et de gauche. [..] Or, c’est un rude pari de s’adresser à la raison à une époque où prime l’émotion. Un pari courageux.”
Laurent Watrin est plus optimiste parce qu’il est convaincu que les électeurs sont plus intelligents qu’on ne le pense :
“L’intelligence de François Bayrou, c’est de dire qu’on ne peut pas tout faire et tout promettre mais qu’il y a des grandes orientations à prendre face à la complexité des choses, pour réformer en profondeur ou pour maintenir des caps : l’éducation [..] la formation, la réforme de l’Etat et l’Europe sont au coeur de ses orientations. Le président de l’UDF a le mérite de porter des convictions, sans décocher une batterie de mesures qui, mises bout à bout, font ce que l’on appelle « un programme de campagne ». Car c’est moins d’un programme électoral que d’un projet clair et simple que nous avons besoin.
Le niveau d’information des électeurs qui votent en conscience est aujourd’hui plus élevé que certains le pensent, et l’on peut espérer que les voix de la raison emportent la décision en mai prochain. On s’apercevra peut-être alors que faire du bruit ne garantit pas d’être entendu ou compris”.
Et c’est Philippe Zaouati qui conclut le mieux :
“Il est des sujets complexes qui nous dépassent et pour lesquels nous n’avons pas de position arrêtée. Des sujets pour lesquels les réponses simples sont trop souvent simplistes. Euthanasie, homoparentalité, signes religieux. Des sujets qui méritent réflexion, qui méritent d’attendre que le temps passe, que de l’eau passe sous les ponts.
Bayrou a le courage de le dire. D’assumer que parfois il ne sait pas. Ni blanc ni noir. Ne pas donner de réponse simple à des questions complexes. Cela ne veut pas dire ne pas donner de réponse du tout. Ni droite ni gauche, ce n’est pas mi chèvre mi chou.
Et si le doute était finalement préférable aux idées péremptoires inévitablement suivies de reculades et de renoncement ?
Je laisse cela à votre réflexion”.