Elevé dans une famille Gaulliste depuis toujours, l’un de mes premiers souvenirs d’enfance fut la consternation à l’époque incompréhensible pour moi que j’ai pu lire sur les visages de proches le soir du 10 Mai 1981, et la présence quotidienne du Figaro dans le salon a rythmé ma jeunesse. On ne peut pas dire que je partais avec un à-priori positif en faveur de la gauche Française. J’ai gardé de cette époque une profonde aversion pour la manière dont le socialisme crée des privilèges indus sous prétexte de redistribution des richesses, ainsi que pour son ignorance délibérée et démagogique de l’efficacité des mécanismes économiques fondamentaux.

En 1995 pour ma première élection j’étais de ceux qui avant 20 heures parcouraient les Champs Elysées en courant ou sur le toit des voitures en exprimant ma joie de voir la fin de l’ère Mitterrand et aussi mon espoir de voir se concrétiser les promesses réformatrices incarnées par Chirac. J’ai évidemment été profondément déçu par les années qui suivirent.

La crise d’adolescence politique fut la révélation des idées libérales et le rejet du conservatisme. Le libéralisme au sens classique est désormais ma ligne directrice en matière politique. Mais en France en 2007 le libéralisme est un gros mot, bizarrement parce qu’on le confond avec le conservatisme alors qu’outre Atlantique on le met dans le même camp que le socialisme. Le libéralisme est mal compris et son heure n’est pas encore venue. Pour le premier tour j’ai depuis l’été dernier soutenu de bon coeur François Bayrou parce qu’il est pour l’instant et à mon avis le véhicule le plus crédible et le plus honnête pour introduire le libéralisme classique au coeur du débat politique Français. J’ai d’ailleurs été conforté de voir Edouard Filias d’Alternative Libérale prendre une position similaire en faveur de François Bayrou.

C’est naturellement vers les candidats centristes que mon choix s’est toujours porté. Mais la survie des centristes au-delà des premiers tours étant encore rare j’ai toujours donnée ma voix à la droite lorsqu’elle était opposée à la gauche. Mais cette année, l’appel d’air qu’a provoqué François Bayrou dans l’aile droite du parti socialiste a ouvert le débat. La révélation d’un espace socio-démocrate dans le paysage politique Français a remis en cause l’alliance traditionnelle du centre avec la droite. Avec dans le parti socialiste des voix qui s’élevaient en faveur d’un positionnement de centre gauche je n’excluais plus de considérer le PS comme un second choix possible.

Ségolène Royal avait l’opportunité entre les deux tours d’ouvrir radicalement son parti au centre et de déclencher avec l’extrême gauche la crise ouverte salutaire pour que le parti socialiste devienne enfin un parti socio-démocrate Européen moderne. Elle ne l’a pas fait et le PS reste donc égal à lui-même avec les incohérences surannées qui le caractérisent et le paralysent. J’avais envisagé de voter pour un candidat socialiste réformateur tourné vers le centre, mais je refuse de donner ma voix à un représentant d’un système de gouvernement dont l’inefficacité coûteuse et génératrice d’inégalités est trop bien connue. Je passe sur le prétendu style participatif que Ségolène Royal affecte alors que tous ceux qui ont travaillé avec elle savent combien elle est autoritaire.

Face à elle, Nicolas Sarkozy n’est pas non plus un choix très apetissant. Il y a douze ans j’aurais voté pour lui avec enthousiasme : il est tout à fait le messie réactionnaire que j’attendais dans mon enfance. Mais entre temps j’ai mûri et je ne crois plus en l’existence d’un homme providentiel. Et depuis longtemps je suis devenu allergique aux valeurs conservatrices et nationalistes. Surtout je n’ai pas confiance dans une droite dont le bilan est en décalage avec sa communication : dirigisme économique, protectionnisme et irresponsabilité fiscale sont des valeurs étrangement communes entre la droite et la gauche. Ajoutons à ce sombre tableau l’agressivité de Nicolas Sarkozy dont la personnalité n’est à mon avis pas étrangère à sa légende, sa tendance à éroder autant que possible le principe de la séparation des pouvoirs, ses prises de positions communautaristes, son inaction face à la corruption dans les Hauts-de-Seine et son goût pour la répression démagogique qui dégoute même les fonctionnaires du ministère de l’intérieur… Malgré la proximité que je ressens pour la plus grande partie du programme économique de Nicolas Sarkozy, je ne peux pas adhérer à sa candidature.

Chacun des deux candidats continuera à dresser les Français les uns contre les autres. Ce n’est pas ce que je souhaite pour mon pays et je le ferai savoir en exprimant explicitement mon refus des options proposées, c’est à dire en votant blanc et non pas en fuyant par l’abstention mes responsabilités de citoyen. Je ne suis pas socialiste, je ne suis pas conservateur, je voterai blanc le 6 Mai 2007. C’est la première fois que j’ai recours à cette extrémité ambigüe et j’ai le fol espoir que quel que soit le résultat de cette élection il suscite à droite ou à gauche la prise de conscience de la valeur du centre comme voie de réforme consensuelle et de progrès.

Cette manière de faire passer mon message a la conséquence pratique de favoriser le candidat en tête des intentions de vote, c’est à dire Nicolas Sarkozy. Ca ne me pose pas de problème – je suis finalement plus proche de Nicolas Sarkozy que de Ségolène Royal. La défaite de cette dernière est peut-être le choc nécessaire à la scission du parti socialiste qui ouvrira la voie à la construction d’un part du centre gauche au centre droit, capable de pendre le rôle de pivot nécessaire pour tordre le cou au mythe du bipartisme. Pour compléter mon point de vue je vous invite à lire l’article de Stéphane-Andréane “Le vote blanc et la recomposition de la vie politique française” qui exprime à sa manière une opinion similaire.