Lorsque l’Etat abandonne le monopole de la violence physique légitime, il laisse un vide qui ne reste jamais longtemps inoccupé. Verrons nous l’émergence de milices d’autodéfense en France ? Aujourd’hui à Rio de Janeiro, demain à Paris ?

Quelles que soient les raisons du désengagement de l’Etat, rien ne destine les organisations dédiées aux trafics illicites et les organisations religieuses activistes à être les seules à reprendre le terrain. Elles sont capables d’occuper tout l’espace si elles assurent aux locaux des conditions sécuritaires satisfaisantes – les mafias ont toujours su jouer ce rôle parasitaire symbiotique. Mais si elles oublient de répondre efficacement à ce besoin essentiel, le champ est libre pour de nouveaux acteurs.

Yves-Alexandre Chouala décrit en détails comment le processus d’effondrement du monopole etatique de la violence légitime a eu lieu au Cameroun avec des conséquences désastreuses. Il montre notamment comment la formation de comités d’autodéfense concrétise la ré-affirmation du lien social face au chaos. A moindre échelle, Sidiki Abdoul Daff rapporte l’essor et les limites d’un groupe d’autodéfense dans la banlieue de Dakar – les dérives sont quasiment inévitables. Le Portugal a connu par endroits cette descente aux enfers mais l’Etat a su apporter des solutions capables de rétablir l’ordre républicain. En France, la rumeur de prémices de ce phénomène cours déjà.

Dans mon quartier paisible et prospère, de tels plans d’organisation locale resteront probablement toujours métaphoriquement enfouis dans un classeur poussiéreux au fonds d’un placard. En d’autres lieux il me paraîtrait logique d’organiser, pour rétablir la paix, l’usage par les citoyens des moyens illégaux violents rendus légitimes par l’abandon de l’Etat.

Loin de moi l’idée de souhaiter en arriver là. Les dérives de l’autodéfense populaire sont toujours sales – tout pouvoir incontrôlé corromps immanquablement, et dans des dimensions d’autant plus néfastes que ce pouvoir prend ses racines dans la violence. Alors osons espérer que l’Etat Français démontrera sa capacité à exercer ses responsabilités partout sur son territoire, et en particulier là où la rumeur médiatique l’en présente comme incapable.