(Billet initialement publié sur Seenthis)

J’ai participé hier à une réunion de l’UMP au sujet de du projet de loi sur le renseignement. Je ne suis pas membre de l’UMP (après avoir milité à l’UDF en son temps, je ne suis actuellement membre d’aucun parti) mais comme la vie politique locale est fortement dominée par l’UMP, animer le débat local passe forcément par l’interaction avec ses membres.

Comme il s’agissait d’une réunion interne, je ne publierai aucune citation et je ne nommerai pas les présents – des élus notamment, dont certains avec des fonctions significatives au sein du parti. L’objet du présent article est de rapporter les principales positions présentées aux militants par les cadres de l’UMP, afin de mieux comprendre la position du parti dans le débat – il s’agit de ma perception hautement subjective de la teneur des propos et ne peut en aucun cas engager l’UMP ou ses membres.

En résumé, l’UMP considère que ce projet de loi est un progrès et en souligne l’urgence, tout en critiquant certaines de ses dispositions.

L’intervenant principal déplore l’étendue du champ d’application de la loi – il la considère légitime à l’encontre du terrorisme mais exprime de fortes réserves concernant son application à d’autres domaines. La concrétisation de ces réserves en termes d’action politique ne me semble néanmoins pas claire.

L’intervenant principal considère le terrorisme comme une menace exogène dont des organisations militantes essentiellement étrangères sont à l’origine – il met donc logiquement à plusieurs reprises en avant une réponse d’ordre militaire.

L’intervenant principal est favorable à l’inclusion de l’administration pénitentiaire dans le cercle des bénéficiaires de la collecte de données et le justifie par la radicalisation des terroristes en prison.

Contrairement à ce que j’attendais d’une personne éloignée de la technique, l’intervenant principal est parfaitement conscient du risque de production massive de faux positifs par les dispositifs de collecte. Néanmoins sa conclusion n’est pas l’inadéquation des dispositifs mais la nécessité de l’analyse humaine pour traiter les données collectées. Le thème de l’insuffisance des moyens humains alloués à l’analyse et à l’exploitation du renseignement est  récurrent dans son discours.

A ma très grande surprise, l’intervenant principal soutient la nécessité du contrôle judiciaire et déplore l’insuffisance d’un contrôle à posteriori. Il suggère le principe d’un organe de contrôle reliant juges et représentants de l’exécutif pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs. Dubitatif au sujet de l’efficacité de la commission de contrôle proposée, il se demande comment elle pourra être saisie par un citoyen qui n’a aucun moyen de déterminer qu’il est l’objet d’une surveillance abusive.

Une question de l’audience a soulevé la problématique de la coopération internationale. L’intervenant principal a répondu en soulignant sa nécessité oubliée par un projet de loi insulaire mais il a aussi rappelé que les intérêts de la France ne sont pas toujours alignés avec ceux de ses partenaires – l’intégration de la contrainte diplomatique rend donc l’exercice d’une coopération efficace éminemment délicat, au-delà de toute considération technique.

Vu l’audience présente, je suis intervenu pour rappeler l’impact d’une telle loi sur l’économie Française lorsque les investisseurs étrangers décideront d’éviter d’héberger des données et des services sous l’emprise de ses dispositions. Cette objection m’a semblé bien comprise par l’intervenant principal – sa réaction a rejoint sa critique susmentionnée visant le champ d’application immense et flou. L’UMP semble souhaiter un cadrage concentrant clairement les mesures sur le terrorisme et attribue au gouvernement la responsabilité du débordement du projet de loi dans toutes les directions – peut-être un moyen de se distancier prudemment de la prise de risques concernant l’intimité des citoyens.