Si ma première participation en équipe aux 24 Heures en 2006 sur l’invitation de la très sympathique équipe d’Astrazeneca fut pour moi un grand succès. La seconde en 2007 pour laquelle j’avais créée une équipe qui est passée au cours des désistements de dix patineurs à trois fut un moins bon souvenir. Je n’étais pas préparé physiquement ni psychologiquement à courir à trois. Les crises de crampes au milieu de la montée du Dunlop sous la pluie à trois heures du matin dans mes Crossmax gorgés d’eau ont fini par entamer mon moral et c’est à ce moment que je me suis dit que les 24 Heures tout seul ne pouvaient pas être beaucoup plus difficiles que ça. J’avais commencé à y penser lors la première édition de mon Paris-Deauville au printemps 2007 mais je n’avais pas osé me lancer la même année. Une année d’entrainement léger mais régulier plus tard, l’aisance avec laquelle j’ai parcouru les 210 kilomètres de la seconde édition du Paris-Deauville a achevé de me convaincre que j’étais mûr pour tenter les 24 Heures en Solo.
Mon objectif cette année était de 300 kilomètres en 24 Heures. J’avais déja fait 200 kilomètres en 15H30 sur route ouverte avec toutes les contraintes et les inefficiences que ça implique (sur route ouverte on ne profite pas des descentes que le freinage rend même fatiguantes) – et j’étais tout seul. Alors un tiers de distance en plus en un tiers de temps en plus dans un environnement idéal où on roule en peloton – ça me paraissait tout à fait jouable. Cet objectif représentait un poil plus de 71 tours, soit le tour en un peu plus de 20 minutes en moyenne, soit un peu plus de 16 minutes en comptant 20% de temps de repos. Cet objectif allait se révéler être d’un grand pessimisme.
La préparation commence par trouver, dans la tradition des 24 Heures roller, un pseudonyme comme nom d’équipe. Inspiré par un célèbre sketch de Les Nuls, par la découverte aux 24 Heures du Mans roller des joies du patinage en peloton, par mon teint vaguement méditerranéen et par un vieux slogan d’une compagnie ferroviaire bien connue, ce sera “Hassan Cehef”. Hassan Cehef – c’est possible !
La préparation c’est surtout les déplacements quotidiens en banlieue Parisienne qui me tiennent lieu d’entraînement. Chaque jour je monte entre trente et quarante étages – je ne prend quasiment jamais l’ascenseur ou l’escalator. Les jours ouvrables je parcours à l’aller et au retour les dix kilomètres de mon trajet domicile-travail en rollers quand il fait sec et en vélo quand il pleut, sans compter quelques autres trajets occasionnels. Les jours fériés il m’arrive de me balader un peu. C’est tout… Par rapport aux entraînements spécifiques bien structurés auxquels s’astreignent d’autres compétiteurs c’est presque ridicule. Mais ça a l’avantage d’être parfaitement intégré à mon mode de vie et donc pratiquée de manière très régulière tout au long de l’année.
Je suis arrivé le vendredi soir au camping avec mes camarades d’Astrazeneca qui m’ont très gentiment emmené avec eux en voiture à l’aller et au retour, et m’on offert le diner le vendredi soir – un grand merci à eux, et en particulier à Armand et Lena !
Vue l’expérience de l’année dernière où l’accumulation du réveil à l’aube, du trajet et de la mise en place concentrés le samedi furent autant de sources de stress et de fatigue, je crois qu’arriver le vendredi soir est indispensable pour minimiser la fatigue avant le début de la course – autant dormir le plus possible le samedi. J’ai même fait la sieste à l’heure des sprints qualificatifs : pour 24 Heures de course, partir en fonds de grille ne fait à mon avis pas la moindre différence alors qu’une ou deux heures de sommeil avant le départ c’est toujours ça de pris.
Samedi matin, j’ai quand même réussi à oublier des papiers, ce qui m’a condamné à faire deux aller-et-retour entre ma tente et le guichet d’inscription ainsi qu’à faire au moins une demie heure de queue pour une photocopie. Ensuite j’ai assaisonné le contenu de 16 bouteilles d’eau minérale d’un litre et demie avec diverses poudres nutritives (l’essentiel pour l’apport glucidique, et une poignée de bouteilles avec de la boisson de récupération)- j’en consommerai en tout 13 pendant les 24 Heures soit 19 litres et demi sans compter deux petites bouteilles d’un demie litre d’eau au point de ravitaillement, un litre et demi après la course et deux litres le samedi avant la course. Vers 15 heures après la sieste j’ai pris le chemin du paddock chargé des 16 bouteilles dans un sac et de mon équipement (trois paires de rollers entre autres) dans l’autres… Je vous laisse imaginer le poids de l’ensemble. Clairement j’aurais du éviter d’entamer mon potentiel en jouant au sherpa comme à mon habitude – mais je n’avais pas la place d’emmener un diable cette année et j’étais tout seul. L’année prochaine je suis tenté d’emmener quelqu’un pour me décharger d’une partie de la logistique.
Côté matériel, j’ai aux pieds pendant la course une paire de patins Fila M100 achetés en soldes cet hiver pour 249 Euros si je me souviens bien, des roues Matter F1100 jaunes (100mm en 86A – 10 roues pour 120 Euros – affreusement cher mais j’ai jugé que l’occasion justifiait ce luxe) et roulements SKF Speed Skater (20 roulements pour 65 Euros – cher mais c’est la référence en la matière… Je ne sais pas si ça m’apporte grand chose mais quoiqu’il en soit c’est un confort psychologique). Même si les M100 ont seulement quatre roues chacun j’ai dix roues et leurs roulements afin de pouvoir pallier par simple échange aux défaillances éventuelles. L’un des avantages du roller est que les budgets sont vraiment très faibles surtout en comparaison de gouffres financiers tels que le cyclisme.
Ce n’est rien que du très classique éprouvé et adapté à l’épreuve si j’en crois mes lectures préalables – et la popularité de la combinaison M100/Matter Jaune sur le circuit témoigne que je ne suis pas le seul à être arrivé à cette conclusion. La qualité de roulage et de transmission de l’effort vers le sol de l’ensemble m’a impressionné. Et en prime c’est plutôt confortable, ce qui n’est pas un luxe mais un impératif pour tenir 24 heures dessus. En tout cas ça me change des deux dernières éditions des 24 Heures en FSK Crossmax avec un train roulant douteux. Comme je suis particulièrement méfiant vis-à-vis du matériel (peut-être une déformation professionnelle…) j’ai également embarqués mes Crossmax et même une paire de mes infâmes Salomon Motion 8. Mais je n’ai heureusement pas eu à les utiliser.
Sur la peau, en bas un short moulant et en haut un T-shirt Under Armor Heat Gear que je ne quitte plus depuis mon séjour au Sénégal à vélo tellement en de telles occasions il est efficace pour aider à réguler la température corporelle. Pour lutter contre la chaleur, j’ai acquis un casque bien aéré – le casque “bol” urbain que j’utilisais il y a encore quelques mois a l’avantage de protéger du froid en hiver mais les litres de transpiration qui s’en déversent en été témoignent d’un petit problème de refroidissement. Aux mains, des mitaines parce que j’ai horreur de m’abimer les mains en tombant – le reste je m’en fiche et j’ai l’habitude. Les mitaines permettent aussi de conserver une bonne dextérité histoire de ne pas mettre un demi-tour de circuit à s’énerver à ouvrir l’emballage d’une barre énergétique.
Quand je pars pour de longues distances, j’ai pris l’habitude de m’enrouler chaque doigt de pied dans de l’elastoplast ainsi que les zones de friction. Et après je garnis généreusement l’ensemble avec de la crème anti-frottements (je me demande si ce n’est pas un packaging hype pour de la vaseline – il faudra que je compare). Elasto + crème lubrifiante c’est ma recette magique anti-ampoules et autres irritations – j’ai totalement éliminé le problème. Il semble que ce soit un bricolage classique qui a été adopté par bien d’autres coureurs.
Malgré les railleries de mes camarades qui dévorent bonbons et saucissons pendant nos randonnées, je me suis converti pour les épreuves sportives à une forme plutôt radicale d’alimentation technique. J’ai constaté qu’une alimentation bien gérée est l’un des piliers de ma performance – beaucoup de coups de fatigue que je ressentais autrefois étaient souvent simplement dus à une alimentation inadaptée provoquant des carences voire l’épuisement musculaire faute de carburant. Alors ma ligne directrice pour l’alimentation en roller est d’ingérer environ 450 calories par heure sous une forme qui ne coûte pas d’énergie à digérer et qui laisse un minimum de résidus. Au début de mes expériences, il m’est arrivé un jour de commettre l’erreur de consommer avant de partir des aliments riches en fibre et mon estomac a bien inutilement participé à l’effort. Les graisses ne sont pas non plus les bienvenues – et j’en ai largement suffisamment à bord (j’ai du bide et je complexe affreusement à ce sujet, surtout en voyant les photos me montrant sur le circuit en T-shirt moulant). Pour répondre aux contraintes que j’exprime, j’ai trouvé que les aliments spéciaux vendus pour l’usage sportif sont efficaces. Certes c’est cher et ce n’est pas d’un goût très agréable, mais ça fonctionne bien. Alors pour une épreuve exceptionnelle, le budget de 150 Euros en tout pour les 24 Heures (avec du rab’ qui servira pour d’autres courses) est dépensé sans aucun remord. Les coureurs les plus expérimentés ont souvent leurs recettes de gateaux savoureux rassemblant les nutriments nécessaires, mais je n’ai pas encore acquis cette compétence alors pour l’instant je l’externalise.
J’avais donc construit dans une feuille de calcul le plan de mon alimentation avant et pendant la course. Je l’ai mis à jour après la course avec ce que j’ai réellement consommé – cette feuille de calcul est disponible en téléchargement.
Voici mes consommations avant la course :
Valeur (kcal) |
Description |
Nombre de portions Utilisées (kcal) |
Apport total de la source (kcal) |
390 |
Boisson de récupération |
0 |
0 |
390 |
Boisson d’attente |
2 |
780 |
0 |
Eau |
3 |
|
|
Total boissons (litres,kcal) |
2,5 |
780 |
|
|
|
|
900 |
Spordej |
2 |
1800 |
420 |
Cake salé / 4 |
1 |
420 |
410 |
Gatosport / 4 |
2 |
820 |
|
Total aliments |
|
3040 |
|
|
|
|
|
Total |
|
3820 |
Et voici mes consommations pendant la course :
Valeur (kcal) |
Description |
Nombre de portions Utilisées (kcal) |
Apport total de la source (kcal) |
390 |
Boisson de récupération |
11 |
4290 |
190 |
Boisson 4Endurance |
22 |
4180 |
0 |
Eau |
2 |
|
|
Total boissons (litres,kcal) |
17,5 |
8470 |
|
Volume liquide moyen par heure (litres) |
0,73 |
|
|
|
|
|
210 |
Barre Overtstim cranberries-chocolat blanc |
5 |
1050 |
110 |
Barre Amelix (pate d’amandes) |
3 |
330 |
900 |
Spordej |
1 |
900 |
80 |
Gel (Energix, Antioxidant, Cacahuette) |
11 |
880 |
420 |
Cake salé / 4 |
2 |
840 |
410 |
Gatosport / 4 |
2 |
820 |
158 |
Barre Inkospor noix de coco |
1 |
158 |
157 |
Barre Isostar High Energy |
2 |
314 |
130 |
Barre protéinée (gout chocolat) |
4 |
520 |
|
Total aliments |
|
5812 |
|
|
|
|
|
Total |
|
14282 |
|
Apport énergétique horaire moyen |
|
595 |
Mes connaissances en matière de nutrition étant encore faibles, mes analyses sont sommaires. Mais je retiens de l’expérience de cette année que je n’ai jamais eu faim et que mes besoins hydriques ont été satisfaits. La quantité d’énergie ingérée est telle que je pense avoir été en permanence en hyperglycémie – d’ailleurs les mictions fréquentes le dimanche en sont l’un des symptomes, quoi qu’il puisse aussi tout simplement signifier que j’ai absorbé plus d’eau que nécessaire. En tout cas, l’apport continu de glucides tout au long de la course avec quelques protéines au moment des pauses a parfaitement fonctionné et je repartirai sur des bases similaires.
Sur le circuit j’utilise une outre avec un tuyau et une valve au bout pour boire – le tout dans un petit sac à dos profilé contenant également des barres et des gels. J’avais calculé que je prendrais une pause à chaque fois que j’épuiserai la réserve d’un litre et demi de liquide hydratant – ce que j’ai fait la nuit où le facteur limitant était plutôt la nourriture. Mais en journée au soleil mes besoins hydriques sont beaucoup plus importants et je comptait compléter ma réserve par quelques ravitaillements en eau pure au bord du circuit. Je n’y parviendrai malheureusement pas la plupart du temps : lorsqu’on est bien installé dans un peloton il n’est pas question de risquer de le perdre, et si même on parvient à faire un crochet au prix d’un petit sprint on va tout simplement trop vite : à plusieurs reprises la petite bouteille a rebondi contre ma paume avec de spectaculaires éclaboussures. La mi-circuit n’est pas le bon endroit pour ravitailler – j’aurais préférée la ligne droite des stands, voire même la montée où on est au ralenti. Ce n’est pas moi sur la photo mais elle illustre bien ce qui se passe quand on tente de saisir une bouteille à pleine vitesse…
Faute d’avoir participé aux qualifications, je commence donc la course en fonds de grille où je retrouve l’inimitable Toutouseul dont la constance inébranlable malgré un age avancé lui permettra de terminer à la douzième place cette année – douze places devant moi. Souvent je l’ai doublé dans la descente, et à chaque fois il me reprenait dans la montée – sans compter qu’il s’est certainement arrêté nettement moins que moi. Il ne paie pas de mine, mais méfiez vous du coureur discret déguisé en dalmatien !
Dans la cohue du départ je suis résolu à prendre mon temps. Je marche tranquillement jusqu’à mes rollers que je prends le temps de lacer soigneusement avant de savourer mes premières foulées sur cette magnifique piste au revêtement si délicieux. Mais cette bonne résolution ne dure pas… Je rencontre deux Alstom Riders de gabarit similaire au mien et je décide de m’y accrocher. Commettant la même erreur que bien d’autres coureurs, nous nous laissons entrainer dans une certaine euphorie et les tours s’enchaînent à un rythme auquel je ne m’attendais pas – sans compter d’impressionnantes pointes de vitesse dans la descente en raison de la conjugaison aérodynamique de nos poids respectifs. Je tente à un moment de prendre la tête de notre trio, mais je prend des trajectoires déplorables qui atterrent mes compagnons : je me rend à l’évidence – je n’ai pas leur expérience et je regagne donc leur sillage.
Après trois heures, à 19 heures passée j’aurai fait 17 tours autour de 10’40” de moyenne… C’est beaucoup trop rapide – et je sais que je vais le payer plus tad. En plus, contrairement à mes camarades je n’avais personne pour me ravitailler au bord de la piste – et à 18 heures j’avais déja épuisés les 150cl embarqués dans mon sac. Malgré la gentillesse de l’un de mes deux compagnons qui m’a offert une gorgée d’eau de son bidon, après une heure de course sans boire j’étais passablement déshydraté et même si le litre et demie que j’ai absorbé en vingt minutes de pause m’a permis de rattraper le coup, ce n’était pas la manière optimale de procéder.
Bien rafraichi, je reprend la piste – cette fois sans mes camarades que j’ai perdus. Mais ils m’ont quand même laissés d’excellents conseils – et c’est certainement grâce à eux que je vais faire une course aussi satisfaisante. En équipe, la montée du Dunlop est le lieu où on peut gagner beaucoup de temps en y dépensant toute son énergie et en comptant sur la descente pour reprendre son souffle avant d’attaquer la partie horizontale. Mais en solo on n’a pas le luxe de 15 à 20 minutes de récupération entre chaque tour – et la fatigue musculaire peut donc rapidement s’accumuler. Je ne l’avais pas compris l’année précédente où dans une équipe de trois j’avais pris des relais durant jusqu’à trois heures et qui m’ont valu de douloureuses crampes. Mais mes ainés m’ont cette année livré le secret : la montée est le moment privilégié de la récupération. Je trouve ça plutôt contre-intuitif, mais c’est à mon avis la clé de ma réussite pour ce premier solo : ne jamais forcer dans la montée. J’ai l’impression à chaque fois de me traîner au milieu de tous les coureurs d’équipe qui me dépassent un à un, mais j’en accroche toujours un ou deux dans la descente et je ne les lache plus pendant le reste du tour, là ou la vitesse élevée rend essentiel cet avantage aérodynamique.
Su la photo ci-dessous, cinq solos : les deux Alstom Riders suivis de votre serviteur, de Youb et de Sylvoutch les sauterelles de l’espace – je suis ravi d’avoir roulé avec tous ces sympathiques patineurs qui n’abandonnent jamais leur bonne humeur !
Huit tours en 11’30” suivis d’une pause de cinq minutes et de sept tours en 11’50” – tout va bien, j’ai un rythme plus raisonnable, il est 23 Heures et je suis bien ravitaillé pour le début de la nuit. Mais la fatigue commence à se faire sentir et je parcours les 13 tours suivants en 13’21”. J’insiste autant que je peux avant de me résoudre à prendre une pause avant que la situation ne se dégrade – connaître ses limites ça paie (et ça se paie d’avance par toutes les fois où on a été clairement au-delà…).
Je sens l’acide lactique s’accumuler et les crampes qui ne sont pas loin. Je commence donc par quelques étirements et un auto-massage. Comme à chaque pause je bois, je mange, je poste une mise à jour sur l’Internet et je lis les SMS d’encouragements qui m’ont bien aidé tout au long de la course. Les SMS émis par l’organisation avec le classement et le nombre de tours parcourus ont également été appréciable. Mais cette pause-ci c’est l’heure de dormir un peu – je sais que trois heures et demie du matin c’est l’heure de vérité, et je préfère l’aborder sereinement. Malgré la veste en tissu que j’avais apportée, je grelotte de froid allongé sur mon matelas pneumatique – je ferme tout y compris la capuche et je croise mes jambes nues pour garder un peu de chaleur, mais j’aurais vraiment du apporter une couverture. Je me convainc que grelottements et claquements de dents sont dus au froid, mais c’est peut-être aussi que j’ai un peu trop poussé sur le début de la course. Je me réveille une heure plus tard au son de mon réveil, puis toutes les vingt minutes avant de me considérer suffisamment reposé et de me résoudre à repartir après deux heures et quart de pause. J’aurais pu faire plus court et surtout plus reposant mais je suis quand même bien rafraichi et j’aborde donc peu après quatre heures du matin la seconde partie de la nuit. Après seulement douze heures j’ai fait 44 tours – largement au dessus de mon objectif initial. Je suis donc on ne peut plus serein !
Sur la piste, il fait un peu froid mais je me sens bien. Je garde un souvenir ému du lever du soleil sur le circuit – un grand moment de bonheur pendant que j’enchaine 13 tours en 13 minutes chacun. Tout va bien et la nuit on a l’impression d’aller vite. A sept heures je m’arrête pour un petit déjeuner et presque une heure de sommeil avant d’entamer la matinée vers huit heures. Six tours en 13’16 suivis d’une pause de cinq minutes puis de huit tours en 12’56” – le rythme circardien aidant, la matinée se passe très bien. Depuis la nuit je reste néanmoins très prudent et je guette la moindre baisse de vigilance. J’ai pris une gélule d’un stimulant à base de caféine, guarana et autres excitants – mais le plus efficace pour rester éveillé c’est quand même d’être témoins des chutes spectaculaires de certains de mes camarades. Outre les tout-droits et autres erreurs diverses et fatales dans la descente, je garde le souvenir du crash nocturne d’une demoiselle qui sur le Chemin aux Boeufs a commis une faute de carres en tête de notre peloton de quatre personnes. Par un miracle que je ne comprend toujours pas, nous sommes tous les trois passés au-dessus sans que personne ne tombe. En tout cas je ne me laisse pas aller à rêvasser – la lucidité est la condition de la survie en ces circonstances.
Le graphique ci-dessous donne une idée de l’évolution de mes performances au cours des 24 Heures. Les creux importants indiquent les pauses :
Mes patins me font quand même systématiquement mal au bout de quelques dizaines de kilomètres. Une petite pause avec les boucles désserrées me soulage, mais ça finit par faire trop de pauses et trop de souffrance quand je cours après le chrono et que je ne m’arrête pas. La douleur a pour origine l’écrasement permanent de mes doigts de pieds extérieurs. Elle remonte progressivement le long des phalanges et metatarsiens jusqu’à donner l’impression que le coup de pied (tarse antérieur pour les intimes) fait mal – mais il n’y est pour rien vu que même largement desseré au niveau du coup de pied la douleur apparait de la même manière. Même si techniquement, je suis ravi des M100 – le compromis entre performance et confort me convient tout à fait – je crois bien que je n’ai tout simplement pas le “pied Fila” et le gonflement des pieds lors d’un effort de longue durée n’arrange rien… Pour la prochaine édition il me faudra leur trouver des remplaçants. Pour cette année j’ai perdu beaucoup de temps en petites pauses et j’aurais pu avoir plus de plaisir à ne pas ête torturé par mes patins.
La clé de ma course fut sans conteste la gestion de l’acide lactique. L’année précédente j’avais emporté un cardio-fréquencemètre. C’est un outil intéressant en équipe où chaque tour est un sprint pendant lequel on va chercher les limites cardiaques. Mais en solo on reste à des fréquences basses – la limite est musculaire et non cardiaque. Le jeu est donc de pousser aussi fort que possible tout en évitant que l’accumulation de l’acide lactique musculaire n’atteigne le seuil de déclenchement de crampes difficilement réversibles. Je crois que je commence à bien sentir ce jeu là – et je m’autocongratule de mes compétences. Je passe le reste de la journée entre 13 et 14 minutes au tour, m’offrant même le luxe d’accélérer sur la fin ! Mais les montées de l’après-midi ont quand même lieu à un rythme particulièrement lent – mine de rien je ne suis plus très frais. Notons tout de même que la température était exceptionnellement modérée pour la saison – sous un soleil aussi écrasant qu’en 2006 ce dimanche eut été nettement plus difficile..
Sur la piste, les solos sont identifiés par leur dossard spécifique et les autres coureurs ne manquent pas de les encourager. Au milieu de l’effort je répond souvent évasivement mais je n’en pense pas moins : ces encouragements m’ont beaucoup aidé en contribuant au soutien de mon moral. Se sentir faire partie d’une élite qui suscite l’admiration m’a aidé à continuer à focaliser mon énergie pour aller au bout de cette performance. Les quelques dizaines de solos sont noyés au mileu des centaines d’équipes, mais je crois qu’ils détiennent l’esprit de cette course si particulière – et je me suis senti honoré d’en faire partie. Par rapport aux coureurs membres d’une équipe, la moyenne d’age est beaucoup plus élevée. Je crois que ce n’est pas un hasard : les équipes se distinguent par des conditions physiques pointues et une technicité élevée, tandis que l’atout des solos c’est leur condition psychologique qui transcende leur age et leur condition physique. Sur la piste, les solos ressemblent moins à des athlètes qu’à des alpinistes ou des marins au long cours. D’ailleurs, les raids que pratiquent bon nombre d’entre eux le reste de l’année tiennent plus de la grande randonnée que de la course – mais ce rythme paisible est trompeur car il faut savoir durer dans l’adversité et je reste admiratif de tous ceux qui le font avec un sourire indéfectible.
Il est un peu plus de onze heures et je jette un coup d’oeil au classement…. 71 tours – mon objectif initial est atteint. Je m’octroie royalement une petite heure de pause déjeuner et je repart gonflé à bloc vers midi : il me reste quatre heures à courir – on aperçoit le bout du tunnel et à partir de maintenant tout ce que je fais c’est du bonus par rapport à l’objectif et c’est un record personnel. La fatigue se fait nettement sentir mais c’est l’euphorie de la performance qui prend le dessus.
Je vois des solos se rassembler pour finir ensemble, mais grisé par ma performance je préfère continuer à pousser à fonds. Je passe la ligne – et c’est fini… Après 24 heures de course soudain tout s’arrête et on a du mal à y croire. Je rejoins au ralenti la tente des solo, je bois et je reste là assis hébété et ayant du mal à croire que je l’ai fait. J’entends parler des performances monumentales de Rphil (LOU solitaire) et de Thibaut De Jean juste derrière et j’ai du mal à imaginer comment ils ont fait. J’ai vaguement mal à la tête, un peu de mal à marcher et mes facultés intellectuelles sont probablement réduites à leur plus simple expression. Mais je suis heureux et fier – et c’est avec un sourire intérieur derrière ma mine défaite que je remballe mon matériel avant de prendre le chemin du campement.
Vingt-quatrième avec 89 tours soit 372 kilomètres cette année… Pour 2009, l’objectif est évident : dépasser les 400 kilomètres – et pourquoi pas un jour les 100 tours… Il semble que ce soit maintenant à ma portée, mais je ne sais pas encore comment…
Ci-dessous le détail de ma course (les pauses surlignées en jaune). Le tableau et le graphique sont tous deux disponibles sous la forme de la feuille de calcul à l’aide de laquelle je les ai produits :
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Temps de pause total |
03:02 |
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Nombre de pauses |
9 |
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Temps hors pause |
20:57 |
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Moyennes hors pauses |
00:12:32 |
20,26 |
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Moyennes totales |
00:16:14 |
19,03 |
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Tour |
Temps écoulé |
Heure |
Temps par tour |
Vitesse (km/h) |
Ecart positif à la moyenne brute |
Temps de pause estimé |
1 |
00:13 |
16:15:58 |
00:13:25 |
19 |
23:57 |
|
2 |
00:23 |
16:26:07 |
00:10:09 |
25 |
23:53 |
|
3 |
00:34 |
16:36:37 |
00:10:30 |
24 |
23:54 |
|
4 |
00:44 |
16:47:30 |
00:10:53 |
23 |
23:54 |
|
5 |
00:55 |
16:58:22 |
00:10:52 |
23 |
23:54 |
|
6 |
01:06 |
17:09:18 |
00:10:57 |
23 |
23:54 |
|
7 |
01:17 |
17:20:15 |
00:10:57 |
23 |
23:54 |
|
8 |
01:28 |
17:31:11 |
00:10:56 |
23 |
23:54 |
|
9 |
01:39 |
17:41:57 |
00:10:46 |
23 |
23:54 |
|
10 |
01:49 |
17:52:21 |
00:10:24 |
24 |
23:54 |
|
11 |
02:00 |
18:02:49 |
00:10:28 |
24 |
23:54 |
|
12 |
02:10 |
18:13:14 |
00:10:25 |
24 |
23:54 |
|
13 |
02:20 |
18:23:25 |
00:10:11 |
25 |
23:53 |
|
14 |
02:31 |
18:34:11 |
00:10:46 |
23 |
23:54 |
|
15 |
02:42 |
18:44:58 |
00:10:46 |
23 |
23:54 |
|
16 |
02:53 |
18:55:34 |
00:10:36 |
24 |
23:54 |
|
17 |
03:28 |
19:30:57 |
00:35:23 |
7 |
00:19 |
00:22 |
18 |
03:39 |
19:41:54 |
00:10:57 |
23 |
23:54 |
|
19 |
03:50 |
19:52:59 |
00:11:05 |
23 |
23:54 |
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20 |
04:01 |
20:04:30 |
00:11:31 |
22 |
23:55 |
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21 |
04:12 |
20:15:31 |
00:11:02 |
23 |
23:54 |
|
22 |
04:24 |
20:27:14 |
00:11:42 |
21 |
23:55 |
|
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